Un film, un regard...BRUEGEL - Le moulin et la croix
Je reviens de l'avant-première du film, Bruegel- le Moulin et la croix, un exercice de style, un objet non identifié du 7ème art. Le film plonge littéralement le spectateur dans le tableau, Le Portement de la Croix, achevé en 1564, chef d'oeuvre de Pieter Bruegel l'Ancien. Il est nommé Bruegel l'Ancien, pour le distinguer de ses deux fils, peintres eux aussi.
Le cinéma l'Arlequin a du ouvrir une deuxième salle pour que tous les spectateurs puissent rentrer. Conviée à cette première, j'avais exploré sur le web queqlues éléments sur le tableau, le film et j'étais très impatiente de découvrir cette curiosité. Je fus étonnée de voir le monde se presser, un Lundi 26 décembre, pour ce film a-typique. L'ambition de ce film, très réussi, est d'inviter le spectateur à prendre place dans le tableau, à en faire le tour, vivre les situations dépeintes, à rendre vivant l'oeuvre de Bruegel, à être témoin des fragments de la vie rurale en Flandres, pendant l'occupation espagnole.
Chaque plan cinématographique est un détail du tableau, qui s'anime. La composition est restituée très fidèlement. Dès la première image, je me suis laissée emporter par cette série de scènettes de la vie paysanne. Les histoires des villageois s'entrelacent dans de vastes paysages de collines verdoyantes. Cette douceur bucolique est continuellement entravée par la cruauté des soldats rouges espagnols, qui pourchassent, tuent, torturent. Les enfants jouent tandis que les soldats mettent à mort un garçon des champs. Bruegel s'appuie sur les symboles de la crucifixion du Christ, pour dénoncer l'inquisition espagnole, le bafouement du peuple. Il dépeint la passion du Christ, la procession au mont Golgotha., figure l'envahisseur qui sème le chaos, plonge le pays dans l'obscurité, le sang, la mort.
La lumière, les tonalités sont d'une beauté à couper le souffle. Les sons proviennent essentiellement de tâches quotidiennes: la hache qui scie l'arbre, le corbeau avide, les rires des enfants qui jouent, le troubadour jouant de son instrument, le pain que la mère rompt, le moulin qui grince...
Je suis fascinée par ce moulin, perché sur ce rocher qui touche le ciel. Le Meunier semble remplacer la figure divine, mise à mort. Gardien du ciel, le meunier rythme le temps, l'arrête, le suspend, réanime le vivant au rythme de la fabrication du pain, source de vie, bénédiction des hommes. Ce moulin existait-il du temps de Bruegel ou est-ce une métaphore, née de son imaginaire?
Si vous aimez la peinture, le cinéma d'art, celui qui nous invite à renoncer à nos repères, si vous aimez être surpris, au risque de l'ennui, je vous engage à tenter cette expérience. Je pense que c'est une aventure cinématographique encore unique. Les films sur les peintres empruntent généralement les chemins biographiques, historiques ou déplient les rétrospectives des oeuvres de l'artiste, resituant les auteurs dans leur époque. Là, le réalisateur nous invite à une lecture de ce tableau, à la découverte du foisonnement des détails.
L'ambiance particulière de l'évènement a aiguisé les dialogues entre les spectateurs dans l'attente que la séance commence. Assise à côté d'un cinéphile, nous avons échangé nos critiques sur la filmographie de 2011. Je l'ai convaincu d'aller voir Melancholia, il m'a engagé à voir le dernier Scorsese...
Après le film, le cinéma nous a convié à boire une coupe de champagne, accompagnée de petits fours. Elle est pas belle la vie, un soir, froid de décembre!
Bruegel, le moulin et la croix, bande-annonce officielle
Je trouve ces images magnifiques
Bon film, LN