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Chatouillement De L'Âme
25 février 2013

Un film, un regard, Wajda...

 

wajda 0Première femme réalisatrice d'Arabie Saoudite, Haïfa Al Mansour présente « Wadjda », son premier long-métrage, entièrement tourné à Riyadh, dans un pays depuis les années 70 les salles de cinéma publiques sont interdites. Haïfa Al Mansour s’était déjà faite remarquer avec plusieurs courts-métrages et un documentaire primé, « Women Without Shadows ».

La réalisatrice dénonce les tabous, l'intolérance, les codes moraux, religieux et sociaux qui entourent la vie des femmes saoudiennes. Le film insiste sur les conditions difficiles des classes défavorisés de l’Arabie Saoudite. Il permet de briser le silence et de mettre en perspective le point de vue de la mère  confrontée à l'abandon de son mari pour prendre une coépouse, l'effondrement de ses aspirations à une vie heureuse, et celui  d'une enfant de 12 ans qui ressent ces codes comme une entrave à la liberté de pensée, à son énergie espiègle. Wajda est une petite fille intrépide, au caractère rebelle qui rêve de posséder une bicyclette alors même que les femmes n’ont pas le droit de conduire seules.

wajda2

Avec ses baskets, son voile mal ajusté et son abaya dévoilant son jean, Wajda tente d'échapper au carcan des traditions et au strict règlement de son école de filles, lieu d'enfermement, de type carcéral.  « Wajda est peut-être un film sur les femmes, concède-t-elle, mais je ne l’ai pas pensé ainsi au départ. Je voulais faire un film sur les choses que je connais et que j’ai vécues. Il était important pour moi que les hommes du film ne soient pas des caricatures(…) Dans mon film, les hommes et les femmes sont embarqués dans le même bateau ».

wajda 3

Pour la cinéaste saoudienne, il ne s’agit pas de révolte mais de révolution intérieure. « Tout commence par soi, précise-t-elle, comme si elle voulait bien expliquer son intention. Un travail qu’on effectue sur soi-même pour devenir une meilleure personne. D’ailleurs, je n’aime pas les mots trop ronflants et tonitruants qui parlent de liberté. Ils ont tendance à souvent sonner creux de nos jours. »

En effet, Haïfa al-Mansour ne veut pas  choquer. « Je respecte les codes et les règles de ma société, mais pas au point de m’y fondre et de m’annihiler. D’ailleurs, en choisissant mes personnages, je tenais à ce qu'ils soient du tissu organique de la société et non isolés et loin de la réalité. » De la maman, interprétée par Reem Abdallah, à la petite Wajda (Waad Mohammad), ce sont les différents profils de la femme qui y sont représentés. « Il est important que la femme ait foi dans sa propre personne pour pouvoir s’imposer », dit la cinéaste.

 La réalisatrice a étudié la littérature à l’Université américaine du Caire et le cinéma à Sydney, mais c’est en plein cœur de Riyadh qu’elle a souhaité filmer l’intégralité de son oeuvre, s’ajoutant ainsi à une courte liste de réalisateurs ayant eu l’audace ou l’autorisation de tourner des fictions en Arabie Saoudite. Une « aventure », de l’aveu même de la cinéaste : « Je devais régulièrement courir pour me cacher dans le camion de la production dans les quartiers les plus conservateurs, où les gens auraient pu désapprouver qu'une femme réalisatrice travaille ainsi aux côtés des hommes », déclare-t-elle.

 Le Muhr du meilleur long métrage arabe lui a été décerné, doublé du prix de la meilleure interprétation féminine pour l’actrice de Wajda, Waad Mohammed. « Depuis mon jeune âge, je m’amuse à faire des films avec une bande de copains. J’ai toujours aimé le cinéma et mon père ne m’interdisait pas d’en voir. Ainsi, quand j’en ai eu l’occasion, j’ai réalisé un premier court-métrage et l’ai envoyé aux Émirats qui l’ont bien accueilli. Ceci m’a confortée dans mon choix et m’a encouragée à poursuivre cette voie. »

Wajda n’est pas un énième film de révolution. Son ambition n'est pas de moraliser ou prêcher mais exprimer comment un  triomphe sur soi sème les graines du changement.

« La controverse ne me fait pas peur car elle est un phénomène de bonne santé. » "Tourné à la manière des néo réalistes des années 1960, il véhicule, tout comme sa bicyclette (qui devient à son tour un personnage), ces images symboliques qui ont traversé le 7e art, notamment Le Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica ou Le Gamin à vélo des frères Dardenne, « mais aussi, ajoute la cinéaste, le travail de Jafar Panahi. Je suis fière que mon œuvre ramène à l’esprit toutes ces impressions, car pour moi, ces réalisateurs sont des maîtres ». L'analyse d'un univers social culturel, à travers l'expérience d'une fillette, permet de modifier son regard et de questionner, à la manière de candide, nos représentations, nos propres repères. Je fais le lien avec Hush Puppy, dans les Bêtes du Sud sauvage, (voir mon billet du 01.01.2013), petite fille de 6 ans qui va par sa perception et sa ténacité redonner aux adultes l'énergie de résistance.

J'ai découvert, sidérée, les rituels, les  codes religieux, la soumission de la femme au pouvoir masculin, lui même enferré par la religion, obscurantisme triomphant. Si je mesure mieux les écarts entre nos sociétés et le poids de la religion, instrument d'aliénation de l'Homme, je suis d'autant plus réactive, intolérante, j'en conviens, aux signes, codes religieux qui tentent de recouvrir d'un  voile noir,  l'horizon de la liberté de pensée, l'émancipation de l'Homme.

Ombres noires et silhouettes blanches, une vie en noir et blanc qui reste à colorier...

Bon film

LN

 

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