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Chatouillement De L'Âme
5 décembre 2014

Narcisse ...

       Pour le plaisir de partager avec vous la beauté du texte surlequel je travaille, le Mythe de Narcisse, voici un extrait  du Livre III des Métamorphoses, réparti en quinze livres, un long poème épique latin d'Ovide, né en 43 av JC. Ovide réécrit en poème la littérature grecque classique et compose  cette épopée héroïque,  les métamorphoses surnaturelles de dieux et de héros.  La  version d'Ovide du mythe de Narcisse est la référence de la majorité des écrivains et des artistes par la suite. "L'Allusion à Narcisse". du poète Henri de Régnier, Métamorphose de Narcisse de Dali (1937), Tableau Narcisse du peintre Le Caravage. Le beau Narcisse, dessin de Daumier, Le portrait de Dorian Gray, roman d'Oscar Wilde 

Narcisse (en grec ancien Nárkissos, dérivant de narkê, « sommeil ») est un chasseur, fils de la nymphe Liriope, violée par le dieu fleuve Céphise.

Narcisse, jeune homme d'une beauté éclatante se mirant dans l'eau d'une fontaine, tombe amoureux de son reflet.  Un jour, alors qu'il s'abreuve à une source après une dure journée de chasse, Narcisse voit son reflet dans l'eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. S'étant épris de son image au bord 'une source il se meurt de désir pour lui-même et  est changé en narcisse.

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Narcisse- Le Caravage

Extrait:

 " Il était une source limpide aux ondes argentées, que ni bergers ni chèvres qui paissent  sur la montagne n'avait touchée, nul bétail, qu'aucun oiseau ni bête sauvage n'avait troublée, ni branche tombée d'un arbre. Autour, un gazon que l'eau toute proche engraissait sans que la forêt ait jamais laissé le soleil réchauffer l'endroit. C'est ici que l'enfant, épuisé par l'ardeur de chasser, la chaleur, s'est laissé tomber, tenté par la beauté de l'endroit et par la source. Il veut éteindre sa soif, mais en lui croît une autre soif. Tandis qu'il boit, épris de l'image qu'il aperçoit, il s'attache à  une illusion sans corps ; il imagine corps ce qui est ombre: en extase devant lui-même, il demeure immobile devant ce visage pareil, telle une statue sculptée dans le marbre de Paros. Couché par terre, il regarde, ses yeux, astre double, et, dignes de Bacchus, dignes aussi d'Apollon, ses cheveux, ses joues imberbes, son cou d'ivoire, la beauté de sa bouche, les roses de son teint  mêlées à la blancheur des neiges, il admire tout ce qui le rend admirable. Dans sa folie, il a envie de lui et celui-là même charme qui est charmé, désire qui est désiré, enflamme de même qu'il brûle. Combien de baisers vains à la source trompeuse il a donné, combien de fois, en s'efforçant de saisir à travers les eaux la nuque entr'aperçue, il y a plongé les bras mais sans s'y embrasser ! Ce qu'il voit, il l'ignore, mais de ce qu'il voit, il brûle et le leurre, le même qui trompe  ses yeux, les provoque. […]

Ni besoin de Cérès   ni besoin de repos ne peuvent l'arracher de là. Étendu de son long dans l'herbe épaisse, il regarde sans rassasier ses yeux l'image menteuse et ses yeux mêmes le font mourir. À peine soulevé, les bras tendus vers les bois alentour, il s'écrie : « Qui, hélas, ô forêts ! a davantage souffert d'aimer ? vous le savez, vous qui souvent avez offert un asile favorable. Qui, ô vous qui vivez tant de siècles, a, dans votre souvenir au long de cette éternité, ainsi dépéri? J'éprouve du plaisir, je regarde, mais l'objet de mon plaisir, l'objet de mon regard, je ne peux pourtant pas le trouver, tant l'illusion possède les amants. Et pour me faire davantage souffrir, ni mère immense ne nous éloigne, ni route, ni montagnes, ni remparts aux portes fermées. Un peu d'eau seulement nous sépare. Lui aussi désire être étreint, car autant de fois j'envoie des baisers à l'onde transparente, autant de fois lui, il se tend vers moi, la tête renversée; à croire qu'on se toucherait ; l'obstacle entre les amants est infime. Qui que tu sois, sors, viens près de moi ! Pourquoi, enfant incomparable, te joues-tu de moi? Où, sinon, es-tu appelé, pour que tu t'en ailles? Non, ni mon corps ni mon âge ne te font fuir et les nymphes m'ont  aussi aimé. Ton visage ami me fait je ne sais quelle promesse. Quand je te tends les bras, tu les tends de toi-même; quand je souris, tu me souris en retour. Souvent aussi j'ai remarqué, quand je pleurais, tes pleurs ; et de la tête encore tu me renvoies des signes; au mouvement de ta belle bouche, je devine que tu réponds des mots qui ne viennent  pas jusqu'à mon oreille.

Je suis toi ! Je le comprends et je reconnais mon image. Je brûle d'amour pour moi, j'allume et je souffre ces feux. […]

La douleur m'ôte déjà des forces et je m'en vais au printemps de mon âge mais la mort ne me pèse pas si par la mort mes douleurs cessent. Lui, le chéri, je voudrais le voir vivre plus longtemps. Mais tous deux, nous mourrons unanimes, en un soupir unique. » Il dit et, dans son délire, revint vers le reflet pareil ; de ses larmes, il troubla l'eau et son image s'obscurcit au  mouvement de la vasque. Quand il l'a vit s'évanouir : « Où fuis-tu ? Reste, ne me quitte pas, moi qui t'aime, cruel ! cria-t-il, qu'on me laisse voir ce que je ne puis toucher et nourrir ma pitoyable folie ! »

Parmi ses plaintes, il a descendu sa tunique, frappé son torse nu de ses paumes de marbres. Sa poitrine a pris le rouge des roses, ainsi des pommes, pâles ici, sont rosées là; ainsi des raisins aux grains mordorés revêtent en mûrissant des tons pourprés.

À voir cela dans l'eau de nouveaux transparente, ils n'en put aussitôt supporter davantage. Mais comme se liquéfie la cire blonde à la flamme légère, le givre du matin au soleil tiédissant, il fond, amaigri par l'amour, dévoré peu à peu par sa flamme secrète. Il a perdu ce teint où l'éclat se mêlait  aux roses ; il n'a plus d'énergie, plus de force, plus de ceux qui naguère à ces regards plaisaient, plus le corps que naguère avait aimé Echo.[…]

Dans l'herbe verte, il a caché sa tête fatiguée. La mort a clos ces yeux ébahis des beautés de leur maître.[…]".

 

LN

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