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Chatouillement De L'Âme
30 mai 2010

Nouvelle

Bascule un soir d'Oh-rage

orage_8c

Huitième et Dernier fragment

 Le vieux ressuscita dans un éclat de vitalité. Il tenta de se lever, s’interposer. Prenant appui sur le bras du fauteuil il écuma de rage.

 

-  OH ! OH ! Respect ! Qui est le diable ici ? Je suis toujours le chef dans ma maison. Rassies toi. Laisse le petit tranquille. Il n’a rien fait. Juste essayer d’échapper à ta bêtise et à la méchanceté de ton frère. Et nous ne l’avons pas retenu. Il a toujours voulu être libre d’aller et venir. Bizarre oui il l’est depuis ce soir d’orage, mais au moins il a la bonté et il fait de belles choses…Alors ne le touche pas sinon…je te …

 

Mais ce ne fut qu’un sursaut d’une vie agonisante. Mère le regardait sans y croire. Personne ne pouvait plus y croire. Le combat de la vie était pour lui une affaire close, affaire classée. Il retomba inerte et je le suivis dans sa chute inattendue sur le sol. J’implorais en silence mes parents d’une protection céleste mais ils étaient déjà au supplice. L’enfer nous brulait… Disparition, mort certaine.

 

Je n’y suis pour rien.

Je n’ai rien fait, je suis juste venu leur rendre visite.

 

L’aine était le seul à tenir la lutte, l’inexorable combat contre lui même. Oh – rage.  Elle s’incarnait dans le feu qui embrasait nos vies, nos mémoires.

Où était donc enfouie mon enfance ? La maison et ses recoins, ma couverture, mes deux frères, le vieux aux champs, mes soirées au  pied du saule sous le ciel d’oracles tumultueux…Une certitude à laquelle je m’accrochais : Seul le saule échapperait aux démons de mon grand frère. 

Soudain, ma conscience me réveilla et ma vue brouillée par  la lumière du feu qui se ruait sur moi dévoila  le cataclysme. Immobilisé, à terre, je rampais en trainant ma carcasse en direction de l’odeur de la pluie, aspiré par le vent, échappant de peu aux baisers du brasier. La  survie est au dehors.  Mes sens s’étaient suspendus. Masse informe, rampante, je m’extrayais de cette fournaise qui gagnait du terrain. Je ne distinguai plus rien dans l’aveuglement de cette incandescence orange. Les silhouettes peu à peu se consumaient …

Quand mon esprit accepta de rependre pied dans l’univers j’étais replié sous le saule. Accroupi, adossé contre le tronc de mon enfance, mon univers retrouvé.

J’avais éteint mon regard, ravalé ma voix. Seul le Tonnerre, la pluie et le vent me maintenaient en vie. 

Ma couverture m’enveloppa dans une douceur nocturne. On me souleva de terre.

Devant moi la maison brulait…

 

Je n’y suis pour rien.

Je n’ai rien fait, je suis juste venu leur rendre visite

 

La tête engoncée dans ma nuque, mes joues étaient mouillées. D’un geste mécanique je me frottais les yeux. C’en étai fini de moi et d’eux. On me traina. Des lumières métissées, blanches et crues, jaunâtres, devant moi, et  vers le haut la noirceur de l’enfer. En dedans un trou noir.

Une voiture m’emmène, je n’entends pas distinctement. Au seuil de ma conscience, la confusion s’invite. L’abyme de mes tourments s’ouvre à moi.

 

- Qui êtes- vous ? Que s‘est il passé ? Votre nom ?

 

-   C est lui, mon frère. Je savais qu’un jour il nous tuerait. Le mal incarné… »

 

Innocent ou coupable, des anonymes  ont voté. Le frère se sera battu jusqu’au bouquet final. Je l’avais renié, je devais payer. Un seul regard furtif nous lia à tout jamais dans le secret inavoué de mon innocence. Il se détourna. Je ne le revis plus jamais. Chaque jour lui rappellerait sa condamnation infondée. Et moi chaque jour je me blottissais, comme au creux du saule, sans plus jamais prononcer une seule syllabe. Ma voix transfigurée résonnait sur les parois de ma cellule.

 

Je n’y suis pour rien.

Je n’ai rien fait, je suis juste venu leur rendre visite

 

Mr Kertilem, à plusieurs reprises est venu m’étudier, m’observer, me libérer de….. Il m’a guidé dans l’exploration de mon intérieur abyssal, très mouvementé selon lui. Seul à parler, il finit par renoncer à une quelconque syllabe de ma part. Mais il revint régulièrement contempler mes tracés. Il prit des notes. Il me questionna en vain. « Magnifique » fut son dernier mot. 

 

Douze ans déjà. Plus un seul millimètre d’espace vide dans ma cellule. Le directeur est venu plusieurs fois, accompagnés d’homme en gris, venus curieux, inquiets, ébahis. Plusieurs fois ils m’ont visité, tenté de m’approcher. Ma cellule est classée patrimoine historique. Des pictogrammes dans tous les interstices des murs crasseux transforment les parois en une envolée de couleurs, miroir vibrant des éclats de mon destin.  L’instit avait raison. Je m’étais trouvé. Au fond de cet antre infâme, j’avais érigé une fresque murale qui me protégeait.

 

Ils pensent déjà me transférer pour que j’occupe et décore une autre geôle. Réinsertion disent-ils. Décorateur intérieur, designer, de cachot …. Bel avenir. Frigoli avait réussi à m’exposer. Reconnu pour mon don unique par les âmes détenues, murées dans cette crypte pour un passage ultime.  

 

J’ai pris beaucoup de votre temps et du mien pour ce récit figurant mon destin, esquissé par les déchirements de la nature et scellé par les hommes. Votre attention m’est chère.

 

Dommage Louis

Ecrou 445721 Fleury Mérogis

le 30.05.2010

 

LN

Ceci est une fiction.  Toute ressemblance avec des personnes existantes est une coïncidence.

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Commentaires
L
P'tit coucou rapide LN, trop occupé, bisou...
S
Si tu n'attends que des éloges, je vais te décevoir mais c'est le prix de l'échange et du débat qui prend le risque de la diversité intellectuelle sur l'agora du Web...<br /> <br /> Comment n'être pas décontenancée par cette fin, même si elle est dans la logique factuelle d'une victimisation psychanalytique obsessionnelle...<br /> <br /> J'ai tout simplement envie de prendre le contrepied d'une si sombre personnalité en lui opposant le slogan comportementaliste : "mieux vaut grimper que creuser..." et plutôt que maudire les ténèbres, mieux vaut allumer une bougie...<br /> <br /> Ceci dit, l'exercice critique a été pour moi un divertissement dont je n'ai pas perdu la saveur!<br /> <br /> PS. sur le plan orthographique, un p'tit clin d'oeil pour attirer ton attention sur la première personne de l'imparfait qui "obsessionnellement" a pris pour cible le "s" terminal...<br /> <br /> En souhaitant une prochaine nouvelle moins sombre, je vais chercher la lumière dans ta galerie afin d'explorer tes plus exaltantes réalisations...dont "l'éveil" que je n'avais pas remarqué avant que tu nous le donnes à revoir sur un message récent.<br /> <br /> Allez! de l'enthousiasme : "yes, we can!"
V
Très jolie fin ; à la hauteur de la nouvelle. Vivement la prochaine !
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