Une journée à la mer... du Nord
Depuis 1 an, je vais régulièrement à Dunkerque, une fois par mois, mener des interventions dans les maisons de quartier.
Dès la veille, je me prépare à un réveil très matinal. 5H30. Parfois, je me focalise sur cette nuit de sommeil qui sera trop courte et là, erreur, insomnie assurée, la nuit devient blanche. Pas même une heure de sommeil.
Je me suis arrangée un rituel du lever à 5H30. Sans bruit, dans la pénombre, je me verse mon café programmé. Retour sous la couette pour le quart d’heure du café au lit, dont la qualité, la saveur, la chaleur, vont colorer mon humeur du jour. Je grappille encore quelques minutes supplémentaires. Ensuite rapidité, efficacité pour à 6H 15 au plus tard, partir. Ma nuit est parfois blanche mais dehors c’est le noir complet. Pas un seul store levé, une atmosphère de rue déserte ; les noctambules déambulent et les journaliers en sont encore au café. Des silhouettes se sont effondrées sur le trottoir, d’autres s’invectivent bruyamment. Je presse le pas, je glisse mon ombre dans cette béance urbaine, j’atterris dans le tunnel. Je compte 3, 5 au plus debout, vacillant des restes de sommeil, le regard encore centré à l’intérieur de soi. Une séance de mime.La rame déboule. Le jour commence.
Le train TGV 7969 partira à 7H. Je ne suis jamais à l’heure, toujours au moins une demi-heure d’avance. Eh oui je suis toujours là avant. Avant celui qui doit arriver, avant le départ, avant le début, avant les autres, avant la pub, avant toi, avant que ça commence, avant que çà ouvre, avant les soldes, avant l’été, avant la sonnerie de mon réveil mais toujours après avoir bu mon café.
J’attends sans jamais être attendue, dans l’illusion que j’aurai tout mon temps, qu’il ne m’échappera pas. Je suis décalée horaire. Ces minutes suspendues, hors du temps, comme un temps en plus, je pense, j’écris, je regarde, je rêvasse…
Gare du nord. Paris-Lille. Une première vague de pingouins, netbook en bandoulière, mobile à l’oreille, pressés, le pas rapide, cadencé, déferle sur le quai.
Certains ont le gobelet de café à la main, d’autres ont le journal. Quelques uns sont groupés, collègues en séminaire.
Arrivée à Dunkerque 9H11. 1H 30 pour s’y mettre.
Dans cette galerie ferroviaire, j’observe.
Il y a ceux qui à peine assis ouvrent l’ordinateur et tapotent, froncent les sourcils, téléphonent, le timbre sérieux, costume 2pièces, réactif à tout écran, tactile ou non.
Il y a ceux qui finissent de se réveiller, la posture plus avachie. Ils sirotent leur café, trempent un croissant, avachi lui aussi, regardent par la fenêtre sans rien voir, hésitent entre s’installer dans cet espace étriqué ou l’effleurer dans un sommeil léger, les yeux fermés.
Il y a ceux dont le Mp3 deviendra leur couette regrettée, tapis au fond du siège, ils ne sont pas là, ne pas déranger.
Il y a ceux qui, à plusieurs, sont déjà au boulot, en réunion. Ils s’agitent, gesticulent, rient, discutent. Un décollage-atterrissage, sans envol.
Et il y a moi ? Qui à l’aller, dans les premières minutes me laisse bercer par le mouvement, transportée par l’idée de partir. Être transportée ailleurs, l’effet du train, des paysages traversés, déjouer le temps quotidien. Installée, selon mon humeur, je m’enfonce dans le sommeil éveillé, j’écris, je flâne dans ma tète, je me prépare.
La première fois que je suis venue à Dunkerque, je n’étais pas très enthousiaste, encombrée d’images du Nord, de grisaille, de froid. Et puis, j’ai découvert une ville dont l’étendue est impressionnante. Ville entièrement détruite pendant la guerre, reconstruite au fil du temps, un patchwork d’architectures, disparates. La ville n’en finit pas de se rénover, de repenser l’espace industriel abandonné, en habitats. Vision d’avenir…
Je suis allée voir la mer. Plage à perte de vue qui va jusqu’à la Belgique. Sable fin, cabine deauvillesque, promenade aménagée, maisons normandes sur le front de mer et le vent du nord.
L’accueil chaleureux des gens du nord contraste avec le ciel gris. Le café est toujours prêt, toujours chaud, toujours accompagné de gâteaux. J’ai appris que le carnaval de Dunkerque occupe les habitants pendant deux mois. Pendant cette période, la fête est omniprésente : dans les rues, les quartiers.
Je vous écris du TGV 7566.
Dans quelques minutes nous arrivons à Paris-Gare du nord. Nous espérons que vous avez passé un agréable voyage…