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Chatouillement De L'Âme
17 mars 2011

Un temps pour elles, intempor-elles.3

 

Elle fut réveillée ce matin là, jour cérémonial, par le doux clapotis de la pluie sur les toits. « Mariage pluvieux, mariage heureux. ». Elle répétait  ce dicton, devenu une litanie, lancinante, obsédante. La réverbération des mots  enveloppait sa respiration.

Pavés mouillés, luisants, glissants. Ses escarpins lui faisaient mal, l’embarquaient,  sans qu’elle put compter ce matin là, sur un corps bien ancré dans le sol. C’était un jour de bascule, elle titubait sur sa vie. Elle n’avait jamais pu marcher comme une dame, mais aujourd’hui elle s’était laissée convaincre. Il était temps d’affirmer son identité, entièrement féminine. Plus de doutes sur soi, au moins pour un moment.

Elle avait pour l’occasion mis une jupe, mais s’était refusé le chemisier, s’accrochant à son apparence habituelle.  Elle s’était confectionné un haut sobre, lumineux.

« La traversée des apparences » le livre où l’héroïne portait son prénom lui revenait en mémoire.

Sur le fil des ses pensées elle se sentait perdue et tellement seule. Elle oscillait entre un abyme et  un horizon clair. S’accrocher à la raison, aux ainés qui savaient eux que c’était cela la vie, à deux, en famille. Il avait tout, une beauté sensuelle, une assurance. Sans s’en rendre compte elle l’avait enveloppé d’une aura mystérieuse. Son silence lui paraissait prometteur. Celui qui pèse ses mots dit des choses importantes. Elle était sous son charme, admirative.  Le mystère dont elle l’entourait le rendait extraordinaire.

 

Arrivée dans le bâtiment majestueux, au bas du splendide escalier de marbre, elle leva les yeux. Elle savait qu’elle le monterait et que le nœud qui l’envahissait la serrerait un peu plus fort durant cette ascension. Les invités étaient là, souriants, accueillants. Elle aurait voulu qu’ils soient le moins nombreux possible. Rien n’était comme elle le désirait. La tonalité formelle la pressurisait : sourire, monter les marches avec assurance,  dire oui, remercier, faire comme si le plus beau jour de sa vie était une évidence, sans ombre intérieure. Mais elle ne connaissait pas l’évidence. Dans le doute,  toujours… Il fallait gravir les marches. Grandir…

Elle traversa la grande salle, sous les regards attentifs. Un examen, une épreuve, un choix ultime, un engagement ….tout cela ne la concernait pas. N’avait-elle pas bien réfléchi ou avait elle trop approfondi ?  Pourquoi devait-elle choisir, assaillie par ses indécisions qui revenaient, suivies de quelques instants de confiance, puis de nouveau l’incertitude…Il suffisait d’avoir confiance. Aujourd’hui ce n’était rien, juste une formalité. Non ! c’était tout au contraire. Elle ne savait plus rien. Ses sens ne correspondaient pas à ses pensées, comme une disharmonie. Mais où était donc son âme, là, elle pourrait être sûre. Sûre d’elle même, de la vie. Du moins elle le croyait encore. Elle finit par arriver devant l’office. Elle avait du s’appuyer sur une table se sentant fragile, chancelante. Puis assise au premier rang, à la bonne place, elle entendit son nom et émergea de ses pensées secrètes. Elle se leva, avança et s’entendit dire « OUI ». Soulagée, apaisée, ses tensions s’étaient relâchées.

«Le jour le plus heureux de sa vie » était déjà commencé. Elle décida d’en jouir.

 

Aujourd’hui 20 années se sont écoulées. Elle ne sait toujours pas si son choix était celui d’une conscience aguerrie par les doutes. Elle sentait qu’elle avait eue de la chance mais que s’il n’y avait pas eu ce « oui » public, autre chose se serait installé. Un sentiment de liberté qu’elle savait retenue. Elle avait appris à retenir, rentrer, être dans la traversée des apparences. Elle ne savait pas comment se mettre à nu, se mettre nue. Retirée, lovée, ses tripes retenaient ses larmes, ses cris, sa colère.

Avait-elle pu, rien qu’une fois, crier qu’elle était là ? Sûrement le premier jour de sa vie. Elle allait se renseigner. Habituée à ce corps qui explosait, se tordait, tentant vainement de se libérer de ses angoisses, elle renonçait. Comment changer de peau, desserrer l’armure, livrée sans mode d’emploi. Mais depuis quand avait elle échangé sa nature douce, docile pour celle rebelle, indomptable, torsadée, tendue comme un arc. Elle ne trouvait pas les flèches et de quelles cibles s’agissait-il ? Elle attendait quelque chose mais ne savait quoi, un signe, une alliance, la clef ….Son panorama était enveloppé d’un nuage de vapeur. Elle préférait l’horizon sur l’océan. On y voyait si loin, l’azur lumineux, les eaux claires. Ce n’était pas encore le sien. Elle aurait voulu pouvoir fermer les yeux, entrer en elle et que ses pensées deviennent aussi lumineuses que la mer. L’heure était venue d’amarrer sa coquille au quai de ses idéaux…

paysage_rose1LN

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