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Chatouillement De L'Âme
31 mars 2014

Ecriture sur un objet Pongien...

Je vous offre ce court récit en lien au livre de Francis Ponge, Le parti pris des choses (1942). Francis Ponge (1899-1988) est un écrivain et surtout poète qui a très tôt connu ce qu’il appelle « le drame de l’expression » confronté à la difficulté de dire les choses, de les rendre dans toute leur vérité et toute leur forme. Par cette idée nous ne sommes pas loin du projet du Parti-pris des choses où il souhaite rendre compte de la façon la plus précise qui soit des objets jusqu’à aller dans la description de leurs qualités propres, de leurs caractéristiques les plus intrinsèques jusqu’à les doter d’une vie bien à eux qui naît sous le regard du poète.

La traversée des apparences

 Parmi les miroirs de la maison, celui-ci s'impose comme le plus noble, solennel, hérité des anciens; le chapiteau coiffé d'un nœud royal, couronne l'ensemble d'un air princier. Les contours sont ornés de fleurs incrustées, rythmées à intervalles réguliers. Aux quatre coins du miroir, quatre pièces carrées, ébréchées, aux angles émoussés, étayent l'imposant et lourd objet, où s'interroge la Beauté, la Jeunesse, l'Impermanence.

 Bordé d'une moulure dorée, qui s'effrite, se patine, s'écorne, le miroir exhibe les traces d'une érosion séculaire, ravive la mémoire des figures qui s'y sont réfléchies, dévisagées.

 La glace aux contours biseautés a souffert des images traversées: tachetée, piquetée, mouchetée comme des grains de beauté finement fondus sur la peau diaphane de femmes galantes. Ces pictogrammes troublent les reflets des portraits disparus, enfouis sous le verre frotté, sous lequel j'imagine les regards embués de larmes argentées. Au centre, du verre indemne et limpide s'irise la pulpe des lèvres coquelicots, les sourires étoilés, les grimaces enfantines; et l'œil attentif, interrogateur de l'image de soi, diffractée.

 Traversée des apparences.

 Le miroir, incliné sur le mur blanc imperturbable, est posé sur la tablette de la cheminée marbrée, teintée de bistre, zébrée de fines lignes grises et blanches, sillons du sablier temporel. De la cheminée, vêtue de son tablier noir, grimé par une main espiègle d'un cœur rose pailleté, émane des bribes de voix déformées, voix de l'intime transportées par le souffle de l'air du temps.Adossé à ce cadre grand format, une réplique plus petite, expose en son cœur une reproduction de Delacroix, Femmes d' Alger dans leur intérieur; effluves épicées de femmes orientales.

Delacroix

Miroir sans appel, Psyché où chacun embrasse sa propre image…

 LN

 

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