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Chatouillement De L'Âme
4 décembre 2011

Au fil de Danser sa vie...Logogrammes...

Un après-midi au Centre  Pompidou.

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J'ai donné rendez-vous à  trois étudiantes, au café du Centre Beaubourg, pour une séance de travail sur leur mémoire de recherche.  Espace suffisamment tranquille, en retrait du bruit de la ville, confortable. Ayant choisi une place sur une banquette, je sirote mon café en attendant qu'elles arrivent. Une fois installées, nous nous  concentrons sur les perspectives de chacune. Soudainement,  les yeux de l'une  d'entre elles s'écarquillent, sa bouche ouverte reste muette, son regard se fixe, juste derrière moi, sur le haut de la banquette. Après quelques secondes de sidération, je me retourne, ne remarque rien d'anormal.

- Mais que se passe-t-il?

-Euh... je ne veux pas perturber mais moi je peux pas...Là, derrière vous sur la banquette... Une souris!!!!

Une petite boule grise, recroquevillée, est posée, pas très loin de ma nuque.  D'un geste timide, je vérifie, vivante mais peu vivace. La souris a définitivement bousculé notre pensée studieuse. Changement de place....

Après cet intermède, je décide d'aller flâner dans le Centre. Devant la très longue file d'attente pour l'oeuvre d' Edward Munch, je me rabats sur : Danser sa vie, joli titre.

 L'art et la danse de 1900 à nos jours. L'art d'être en mouvement. Très abondante, l'exposition  se déploie dans de grandes salles et m'e fait tourner la tête. Je me laisse porter par l'accroche de mon regard. Je ne désire pas tout voir, plutôt déambuler et attendre que quelque chose me fasse ralentir,  m'arrêter pour m'approcher, détailler, rêver. Des tableaux de Matisse, des films, des installations, des photos, des illustrations, et dès l'entrée un tableau vivant, un homme allongé sur le sol entame une danse lascive...

J'ai beaucoup aimé les photos sépia d'Isadora Duncan, magnifiques de nostalgie. Des jeunes filles, vêtues de robes légères blanches dansent dans les champs, rient aux éclats dans des mouvements circulaires. Leur corps vibre, se penche, tournoie, valse. Isadora Duncan écrivit:

"Mon art est précisément un effort pour exprimer en gestes et en mouvements la vérité de mon être. Dès le début, je n'ai fait que danser ma vie."

La joie de vivre s'évapore de ces  filles, figures évanescentes, au milieu de paysages naturels,  incarnant "la ferveur sensuelle".

Suit des peintures d'Emil Nolde, de Sonia Delaunay, un film des ballets de Pina Bausch. L'exposition est l'occasion de montrer les "tasks", ces mouvements qui renouent avec nos activités banales de chaque jour, nos gestes automatiques, répétés, qui rythment nos journées. Dans un loft-atelier à Berlin, une équipe filme chacun, se prêtant à recréer une gestuelle banale, ralentie,  inspirée du hip-hop, avec lenteur, saveur des minutes qui s'écoulent, sans précipitation. Un jeune homme se coule dans l'arrosage des plantes de la terrasse du toit, tandis qu'un autre se déhanche avec nonchalance, pour allumer sa cigarette. Le temps s'allonge, les corps se déplient sensuellement, épousant les formes d'e l'espace guimauve, intemporel. Une  quiétude apparente se substitue  à l'agitation. 

 Il me reste encore une demie-heure à perdre, avant mon rendez-vous. Je décide d'aller faire un tour au Musée, revoir quelques tableaux. Prendre le temps d'un regard inutile, déceler dans la peinture, sa matière, le geste présumé, la tonalité, déguster l'émotion procurée.

A l'entrée, un Soulages. Pierre Soulages, créateur de  lumière dans le noir profond de ses toiles. J'ai longtemps été rebutée par cette noirceur jusqu' à cette exposition où délestée de mes principes, de mes résistances, ses tableaux m'ont bouleversé d'émotions. 

Poursuivant mon errance picturale, je découvre un triptyque de Joan Mitchell, peintre américaine (1926-1992) qui a vécu une grande partie de sa vie entre Paris, New-York puis près de Giverny, non loin de la maison-atelier de Claude Monnet. Je me suis glissée dans les  douces tonalités...

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Pour clore ma visite, je suis passée par la galerie d'art graphique, intriguée par le terme  Logogramme.  Christian Dotremont, écrivain, poète belge (1922-1979) a couplé les mots et le graphisme, le trait, les lignes, les lettres.

Les courbes à l'encre noire, les liés, les  déliés s'harmonisent avec son écriture poétique. Ici, il dialogue le récit de son voyage vers son amour perdu avec  l'entrelacs d'un graphisme, souple.  "Des dessins de mots, des peintures de langage". Il travaille à l'encre noire, figurant le récit, le poème par une  calligraphie de lettres ou de formes. Parfois l'ensemble forme une fresque de signes indéchiffrables, dont le sens se capte par un déplacement  dans un coin du tableau, où le texte est reporté.

"Tout jeune, je m'aperçois que la nature, quelques fois écrit. Je lis, par exemple, les lettres que les herbes forment au gré du vent...". N'avez-vous jamais deviné, dans les nuages, des formes distinctes de personnages ou figures  familières. Les murs délabrés racontent aussi des récits fossilisés.

Lors d'un premier voyage dans le grand Nord, en Laponie,  il perçoit comme une immense page blanche sur laquelle la nature a écrit des signes: arbres, arbrisseaux, tapis de lichens, empreintes de traîneaux, de rennes qui dessinent comme des lignes d'écriture. Il trace alors sur le sol ses logoneiges et logoglaces réalisés dans l'espace, au coeur de la nature, oeuvre éphémère dont les photographies en conservent la trace. La découverte inattendue de cet artiste, cette fusion sans confusion,  entre  peinture et écriture  font écho à ce qui m'anime, me réanime dans ma pulsion créatrice.

 J'ai terminé cette flânerie par une pause sur la terrasse, volant au gré de cette vue grandiose de la ville, scandée par le battement  sonore du coeur de Beaubourg, qui nous rappelle que nos coeurs battent séparément, mais à l'unisson. Pour finir quelques photos des toits de Paris:

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Inattendu,  ce plaisir  du temps ouvert aux surprises des sens!

LN

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