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Chatouillement De L'Âme
15 janvier 2012

Ode aux nuits d'amour...

Je vous offre cet extrait du Livre de Wajdi Mouawad, Les mains d'Edwige au moment de la naissance, comme l'écho de toutes nos nuits d'amour. Ces instants d'éclatement micro-cosmique enivrent nos existences, dans une spirale en suspension...

 "- Esther : « Nuit d’amour folle. Un délire, un bonheur. Les étoiles. Un champ. Je ne me souviens de rien. Son visage. Il était là. Il me  regardait. Je me souviens du croissant de lune. Je me souviens de ce qui me brûlait. Je le regardais. Le vent. Un délire. Il y avait Esther qui disait à Esther : «  mais embrasse-le, embrasse-le, prends-lui la main, pose ta main sur son visage », mais je ne faisais rien et cela me brûlait, je me consumais. Nuit d’amour folle au milieu de la vie. La nuit était sur nos épaules. La mer dans nos souvenirs. Il était là. J’étais là. On se regardait. Je ne me souviens de rien. Son visage qui se rapprochait du mien, le mien du sien, mais on ne bougeait pas. Nos fantômes enivrés de désir, enivrés d’envie, nos fantômes n’en pouvaient plus l’un de l’autre et nos fantômes nous poussaient l’un vers l’autre ; puis la nuit entre mes lèvres et la lune sur ses dents et mes lèvres sur ses dents, sa main dans la mienne et la nuit qui applaudissait. Je ne me souviens de rien. De rien. Lèvres à lèvres nous volions sans doute car nous n’avons laissé aucune trace. Une porte. Un lit. La douceur alors de ses mains, de mes mains, de son dos. J’étais partout autour de lui, il était partout autour de moi, il était la nuit j’étais la lune et la nuit a envahi la lune. Il était là, j’étais là et puis l’amour, Edwige, l’amour, la perte du temps, la perte du corps, des milliards d’étoiles qui tournent et éclatent autour de nous. L’univers qui se refaisait dans mon corps, dans mon cœur jusqu’à mon âme, c’était un lion sorti de la mer la crinière en écume, c’étaient des éclairs dans le ciel de mon cerveau, comme une planète en flammes qui s’éteint et puis qui s’enflamme et qui s’éteint et qui s’enflamme et qui s’éteint et qui s’enflamme à chaque mouvement, chaque voyage, chaque envol, c’est un arbre qui explose, un soleil qui s’éparpille, et c’est une joie qui éclate, se déchaine, se déchire, éclate de nouveau, augmente, monte, grimpe, s’accroche à tes parois les plus secrètes, les plus infimes, chaque partie de ton âme et de ton corps se trouve visité par la joie, et tout cela augmente, s’accentue, se précise, s’ajoute, s’additionne mais cela ne se calcule plus, ne se compte plus, ne se mesure plus, ne se contrôle plus, alors c’est l’inondation, un cri dans cette trop grande nuit, le lion rugit et d’un bond va décrocher le soleil et c’est encore un cri, , un cri, la joie qui inonde ma bouche et mon cri, mon cri, mon cri…La lune qui devient pleine et la nuit qui se repose. La mer au loin. Le vent toujours. La fenêtre. La vie. Lui. Moi. Puis plus rien. Le silence. Le calme. Le sommeil. Le rêve. Mes rêves. »

- Esther : «  Il m’aimait si fort, ma sœur, il m’aimait à la folie, il m’aimait jusqu’au bonheur, jusqu’à la grâce. Imagine un instant un train qui vient vers toi, Edwige, imagine le carnage et la fureur en course monstrueuse vers toi, course de métal et d’acier, imagine l’enfer qui approche de toi…il m’aimait comme ça. Penses-tu, Edwige, que devant un pareil amour on puise prendre le temps de réfléchir ? Non. On n’a pas le temps de penser, pas le temps de rien. Devant ces amours-là on ferme sa gueule, tu m’entends, Edwige, on ferme sa grande gueule, sa grosse gueule, on ferme sa gueule et soit on se laisse emporter, entrainer par cette fureur, écraser, aplatir, éclater en une seconde, soit on recule, on s’échappe, on fuit par peur, et moi, Edwige, moi, j’ai reculé devant la fureur de son amour. J’ai foutu le camp et j’ai passé, à côté de ma vie. »

 Esther : «  Une lumière son visage à lui ; une lumière malgré lui. Il me parlait de la lumière toujours. Je l’aime. Il m’a appris à regarder le ciel. Peu de gens vous apprennent ces choses-là. Il me prenait la tête et me disait en indiquant un nuage, regarde, Esther, regarde la lumière…c’est la lumière qui compte… la façon qu’elle a de tracer des lignes, comme ça, en plein air ; un ballet incroyable ! il m’a appris à regarder la lumière à travers une forêt, un buisson pour y voir un vitrail impressionnant et toute cette lumière que lui-même avait passé son enfance à boire lui avait sculpté le visage ; il avait le visage de l’inutile. »

 Folles nuits de douceur, à suivre...

LN

Ben

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